La prévoyance professionnelle à la carte

Plusieurs changements législatifs ont ouvert la porte à une plus grande liberté individuelle. Et permis l’éclosion de nouveaux modèles de prévoyance.


Deux conceptions du deuxième pilier se sont affrontées lors de la dernière modification importante de la LPP en 2006: d’une part celle soutenant une grande collectivisation de la prévoyance professionnelle (en donner la responsabilité aux employeurs, représentants des employés, syndicats ou autres), d’autre part celle laissant plus de choix aux salariés, ramenant ainsi le rôle de l’employeur à celui d’un simple contributeur.

Cet affrontement a partiellement tourné à l’avantage des tenants d’une plus grande individualisation. Plusieurs modifications législatives ont ouvert la porte à une plus grande liberté individuelle. Elles trouvent petit à petit écho auprès des entreprises et des institutions de prévoyance et ont permis l’éclosion récente de nouveaux modèles de prévoyance. Certaines institutions de prévoyance offrent désormais deux types de choix individuels: celui du montant des cotisations LPP à retenir sur le salaire, et celui de la façon dont l’épargne retraite sera investie.
Le montant des cotisations retenues sur les salaires peut être laissé au choix des salariés auprès de certaines institutions de prévoyance. Les salariés concernés peuvent ainsi décider, en fonction de leurs besoins et attentes personnelles, de contribuer plus ou moins pour leur prévoyance  professionnelle. Cela présente l’avantage de voir ses cotisations supplémentaires directement déduites du salaire, et d’augmenter les possibilités d’apports personnels défiscalisés dans le deuxième pilier (rachats d’années). Le nombre d’institutions de prévoyance offrant ces possibilités reste toutefois très limité: les contraintes légales et administratives sont en effet importantes et les institutions de prévoyance ne modifient pas leur structure rapidement. Lorsque le revenu annuel est supérieur à 126.360 francs, il est possible d’offrir une prévoyance plus à la carte aux salariés concernés, pour le montant dépassant la limite précitée. «A la carte» signifie en ce cas la possibilité pour le salarié de choisir la façon dont son épargne retraite sera gérée: espèrera-t-il une performance élevée en choisissant une stratégie d’investissement plus agressive, ou visera-t-il simplement la préservation de son capital?

Ce libre choix implique que le risque soit porté par le salarié, et non par l’employeur ou l’institution de prévoyance. Il implique également un potentiel de rendement sur le capital plus important. L’institution de prévoyance n’a en effet plus à constituer de réserve pour se prémunir contre les effets d’une chute des marchés financiers, puisqu’elle ne garantit plus à ses assurés que leurs capitaux seront préservés en tout cas. Ne plus constituer de réserve implique donc que l’intégralité de la performance financière peut être attribuée sur l’épargne retraite de l’assuré en question, ce qui va améliorer éventuellement sa prévoyance de 10 à 15% par rapport au système traditionnel garanti par l’institution de prévoyance.

Les choix de placement offerts aux salariés doivent en principe être limités. Ces limitations font débat actuellement. Plusieurs institutions offrant ce type de prévoyance vont jusqu’à autoriser les assurés à faire un emprunt garanti par leurs propres avoirs de prévoyance, dont les intérêts seront crédités sur ces mêmes avoirs. L’assuré en question retire ainsi du deuxième pilier ses propres fonds, sous la forme d’un emprunt, et bénéficie ainsi de tous les avantages fiscaux liés à la prévoyance professionnelle. Cette opération proche de l’évasion fiscale n’est pas admise par les autorités fédérales. Dans cet exemple, l’individualisation de la prévoyance est ainsi poussée à l’extrême. Les projets législatifs tendent toutefois à limiter le choix de l’assuré au niveau de la stratégie de placement (plus de collectivité).

Ces nouveaux modèles de prévoyance peinent certes à trouver des adeptes. Il n’en demeure pas moins qu’ils se développent et fleurissent tranquillement. Le paysage de la prévoyance  professionnelle suisse s’enrichit ainsi de nouvelles solutions et évolue avec son temps. Ces considérations nous rassurent sur les capacités d’adaptation de notre système social et sur la créativité et l’espace nécessaire de liberté laissés aux entreprises et aux individus pour gérer leur retraite.


Jean-François André
Directeur prévoyance de Swiss Risk & Care,
Fondateur et directeur de A&A Prévoyance

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